Le bivouac d'Asinau, au fond Bavella
Au niveau de Bavella, on est rejoint par nos voisins de tente de la nuit dernière. C’est Clément et Céline originaires du Mans. Ils comptent faire le GR20 en entier. On enchaine vite sur les sujets de conversation propre au GR 20. Poids des sacs, nourriture, préparation physique et matériel. Nous nous séparons au niveau de la variante.
 
L’étape propose soit de passer par le GR 20 soit par les aiguilles de Bavella. Dans la mesure où le temps est au beau fixe, on se décide à prendre la tangente : les aiguilles de Bavella sont un highlight du Sud de la Corse. Nous grimpons par une montée sympathique mais épuisante. Le spectacle du cirque est grandiose avec ses aiguilles acérées. La variante des aiguilles est techniquement difficile (un passage avec des chaines). De plus, nous nous faisons allégrement dépasser par des groupes aussi chargés que nous. Notre moral est en berne. Nous atteignons, fatigués, le haut du col. La vue panoramique sur tout le sud de la Corse nous console quelque peu. On voit même les monts de la Sardaigne au delà du détroit. Nous en profitons devant un plat de pâtes à la forestière et un café lyophilisé. La redescente est glissante, épuisante, casse gueulante. Après avoir suivie une ligne de courbe avec vue sur notre objectif, le refuge d’Asinau, nous traversons un petit torrent. La tentation est trop forte, l’appel de la fraîcheur irrésistible. On fait trempette comme, d’ailleurs, tous les randonneurs qui passent par là .
La montée au refuge nous achève. L’accueil est très moyen. Nous trouvons un petit emplacement à flanc de montagne pour notre petite tente orange et grise.  Le parc régional de la Corse a mis en place en 2010 un système de réservation électronique des places en refuge et en bivouac. Avant, le paiement s’effectuait auprès du gardien et apparemment, l’argent disparaissait. Du coup, les refuges ont été mal entretenus faute de moyens financiers. Le paiement électronique devait générer un revenu pour garantir un minimum d’entretien. Ca, c’est la théorie : dans la pratique, il y a une douche pour 100 personnes, et deux WC dont les cuvettes ne sont pas sellées au sol. De plus, les portes en bois sont soit dégondées ou leurs planches n’ont pas une largeur suffisante. Pour aller faire petite et grosse commission, il faut tenir sa propre porte comme un paravent. Vue de l’extérieur, ca fait une porte avec des mains. A l’intérieur, c’est la lutte pour trouver son équilibre à cause de la cuvette bancale et la porte qui fait contrepoids. Pas facile de conserver un peu d’intimité en maintenant la porte un minimum droite. : de là ou je suis, je vois les gens s’entretenir sur la difficulté du GR. Je peux limite participer à la conversation.
 
Je fais la lessive, et nous passons par la douche froide en couple : aucune connotation érotique pour cette douche commune. Juste une recherche d’efficacité. Nous dinons d’une soupe lyophilisée et de chips. Nous sommes accompagnés de nordistes qui nous racontent «  le Nord » (à prononcer comme Michel Galabru dans « bienvenue chez les Chtis »). « C’est dur mais ca se fait » : ils nous racontent que ceux qui n’abandonnent pas au bout de 4 jours se débarrassent de leur matériel inutile. Réchaud, tapis de sol, piolets sont ainsi abandonnés dans les refuges ou renvoyés par la poste. Nous compagnons de table sont bordelais : ils nous racontent qu’ils s’accordent tous les 5 jours une pause plaisir consistant en … une bouteille de vin rouge. Dur dur de voyager sans pinard quand on vient du pays du Saint Emilion.
 
A Asinau, des cochons domestiqués évoluent en liberté entre les tentes. Il y a même des chiens qui batifolent non loin. L’un d’eux, un bâtard blanc et noir suit les randonneurs depuis Conca. Il passe de groupe en groupe et se nourrit des restes des diners des marcheurs qui mangent au refuge. J’apprends par son collier que le Corniaud se nomme Lucia. Jusqu’ou va-t-elle nous suivre ?
On se couche dans un paysage magnifique à 20h…
Les aiguilles de Bavela, menacantes...
Vue depuis I Paliri au petit matin
Jour 2 (lundi 20.06.2011): I Paliri-Asinau
Temps théorique: 6h20 ; Temps effectif : 7h00
 

Le matin, pas besoin de réveil perso. Il suffit d’une sonnerie pour tout le refuge. Après, les mouvements entre les tentes et la préparation bruyante du petit déjeuner chez les voisins font le reste. Nicolas et moi émergeons difficilement. On a les épaules et les hanches en compote. Je prépare le petit déjeuner: café lyophilisé, pain et Nutella. Pendant ce temps, Nicolas repli la tente et range les sacs. Après un passage aux toilettes et un brossage de dents, nous voilà partis. Il est 7h15. Il va falloir optimiser notre préparation.
 
On commence par une ascension fatigante. Un des vieux du groupe des vieux est en tête. C’est Marcel, une forte tête… Il n’accepte de nous laisser passer devant lui qu’après avoir atteint le col. Je suis sur ses talons et mon rythme cardiaque est déjà super élevé. Si je le pousse trop fort, c’est sûr, son cœur va lâcher.
 
Dans la descente qui s’en suit, je commence à sentir de l’eau froide me couler dans le dos. Je vérifie mon Camelback : Nicolas pense que la fuite vient du bouchon mal fermé mais l’écoulement se poursuit. Après une seconde vérification,  on trouve une faille prés de l’ouverture. Très mauvaise nouvelle au second jour de trekking. Nous plaçons le Camelback dans la poche latérale afin de diminuer la pression sur la poche d’eau. Ca marche !
La "porte" d'accès au GR20...
Côté sac, ca ne s’arrange pas malgré le litre d’eau en moins. Le tapis de sol que nous avons calé avec les élastiques sur le haut du sac augmentent la prise au vent. Nous sommes sans cesse ballottés. De plus les tapis se prennent dans les buissons le long du chemin trop étroit, créant ainsi une contrainte supplémentaire á notre progression. Par ailleurs, les sentes minces et encombrées ne nous laissent pas facilement manier nos bâtons de marche.
 
Le chemin suit une ligne de courbe jusqu’à un second col. A la descente, sur l’autre versant de la montagne, nous sommes projetés par le vent, contre la paroi. Nous croisons nos premiers randonneurs nordistes pour qui l’aventure va bientôt s’achever. Ils sont très bronzés : une peau cuivre ! Les premiers paysages que nous offre le GR ne déçoivent pas. On traverse de charmants ruisseaux, on s’élève avec vue sur la cote est de la Corse. Après être arrivés sur un plateau, on décide de faire un sort au hachis Parmentier lyophilisé. Ca fait du bien ! La ballade se poursuit sur des sentiers étroits abrités par des pins entre les fougères. Les panoramas lors  des passages aux cols sont toujours surprenants et superbes. Après, environ six heures de marche, on rejoint le refuge de I Paliri.
 
Le refuge est situé au niveau d’un col abrité par deux barrières de granite rose : c’est splendide ! Un refuge du GR20 c’est quoi ? C’est tout d’abord un point d’eau, mais aussi une construction en pierre pour accueillir les randonneurs qui n’ont pas de tente,  une aire de bivouac pour les GRistes qui dorment en tente, un point ravitaillement plus ou moins bien achalandé, une cahute abritant une ou deux douches, une autre cabane pour les WC, le tout plus ou moins bien entretenu et gardé par un gardien plus ou moins aimable. 
 
Arrivés à I Paliri, nous signalons notre présence au gardien du refuge. Au passage, nous achetons une bière Corse, une Pietra qui ne s’avérera pas terrible, mais qui sera, tout de même, facturée 6 €. On rajoute au panier une crème Mont Blanc au chocolat á 2 € et une compote de pomme à boire à 1€. Nous choisissons un emplacement pour notre tente à coté d’un gros rocher et nous empressons de chercher les douches.
 
Enfin bon, la douche : elle se situe en contre bas du refuge et est directement alimentée par la source d’eau en amont. Entre la source et la cabine, pas de chauffe-eau.  La cabine de douche est une « cabane au fond du jardin », mur en pierre, porte en planche de bois vermoulue, bac bétonné moussu, double robinet cassé (on se demande d’ailleurs pourquoi il y a deux robinets sachant que l’eau est á température unique … glaciale). A l’intérieur, il fait nuit noire, un clou dans la porte, trouvé en tâtonnant sert à accrocher ses affaires.  L’inhospitalité et la fraicheur des lieux fait qu’on n’y reste pas longtemps. Cependant, le temps d’attente est inversement proportionnel au temps de douche : une cabine pour une centaine de personnes qui arrivent entre 15h et 18h, ca fait un temps d’attente moyen d’une heure par personne. Après 18h avec le vent d’altitude on n’a plus vraiment envie de prendre une douche, car on ne peut plus se réchauffer. L’heure d’attente est propice aux discussions.
On apprend à connaitre nos futurs compagnons de route et on cherche les conseils de ceux qui vont effectuer leur dernière étape le lendemain. Les nordistes jouent les vieux briscards, les sudistes font les éponges en quête d’informations, de bons tuyaux, et surtout, de paroles rassurantes. Cela nous fait, pour le côté sudiste, assis dans les fougères et sur des vieilles souches : un groupe de personnes âgées venues de Savoie « les vieux », un groupe d’une huitaine d’étudiants « les Djeunes », deux-trois couples isolés. Pour la partie nordiste, on a deux Rambos qui nous racontent leurs exploits. Ils sont partis en quasi autonomie. Leurs sacs font 20 kg, ils ont 5kg de nourriture par semaine. Ils ont doublé 3 étapes sur les 15 du GR 20. Ils sont partis au début du mois de juin et ont effectué leur marche sous la pluie, ils ont traversé des névés et ont parfois commencé leur journée sur des brins d’herbes givrés par des gelées matinales. Le GR 20 de l’extrême ! Le temps à partir de la mi-juin se présente bien. On espère aussi que, d’ici notre passage, la neige aura fondu.
 
Le gardien qui nous annonce le menu nous fait bisquer : ragout de bœuf aux olives sur son lit de pâtes, charcuterie, fromage. On vient de démarrer et on trouve nos sacs très lourds. On préfère se délester. Un réchaud est mis á disposition des randonneurs. On mange notre soupe en compagnie d’un groupe de 6 personnes qui viennent de Castel di Vergio (la 4eme étape en partant du nord): ils sont tout secs, couleur cuivre et contents d’être à la veille de leur dernière étape. Ils fêtent ca en débouchant une bouteille achetée au refuge. Un luxe ! Les gens, sympathiques, nous donneront leur briquet pour allumer le gaz sur nos prochaines étapes. Nous avons trouvé un emplacement à coté d’un rocher en évitant la piste d’atterrissage de l’hélicoptère et la piste de pétanque !?! Des volontaires pour porter des boules ? Nous passons notre première nuit en tente sur le GR 20. A 20h tout le monde est sous la tente à 21h le marchand de sable est passé sur I Paliri.
GR 20 - Juin 2011
Jour 1 (dimanche 19.06.2011) Conca – I Paliri
Temps théorique: 6h00 ; Temps effectif : 5h53
 

Il a venté toute la nuit dans le camping de Porto Vecchio dans lequel nous avons dormi. Le sommeil a été agité : inconfort des tapis de sol trop minces et fébrilité ont fait leur œuvre.
Au petit matin, il fait beau mais le vent souffle toujours autant. Rémi nous conduit sur le début de GR 20 á Conca. Il arrête la voiture juste devant le début du sentier. On ajuste nos sacs, angoissés comme un jour de rentrée des classes. Rémi fait quelques photos de nous devant un panneau indiquant l’entrée du GR20. On se retrouvera dans 5 jours à Vizzavonna pour un ravitaillement et pour passer du temps ensemble.
 
On croise des couples et des groupes de randonneurs qui vont se lancer sur le chemin mythique du centre de la Corse. Premier réflexe : on se jauge, on détaille les équipements des uns et des autres : sont-ils équipés de bâtons, de Camelback ? Ont-ils de vraies chaussures de vrais randonneurs ? A quoi ressemble leur sac à dos ? On cherche la faille. Pour l’instant, on ne trouve pas de gros défaut à leur équipement, à part quelques individus d’un groupe d’une huitaine de personnes qui partent sans bâtons. On les plaint déjà !
Le sentier part en descente sur une dizaine de mètres et puis remonte jusqu'à un col. Les sacs sont lourds: je porte le lyophilisé réhydrater du déjeuner et sa gamelle. Nicolas a un litre d’eau de secours. Une précaution inutile dont nous nous empressons de nous débarrasser. Nous rééquilibrons notre chargement. Le premier col offre une vue splendide sur la baie de Porto Vecchio et un grand cirque. Le vent qui a bercé notre nuit n’a pas faibli : il va sans doute nous accompagner une bonne partie de notre journée inaugurale. Nous passons la porte symbolique de fin du GR20 pour les nordistes, (les randonneurs qui font le GR20 dans le sens nord-sud). Pour nous, c’est la porte de départ: photo !
AccueilA proposTreksVoyagesTour du MondeContactLiens 
Aurélie | Nicolas        Randos, treks et voyages
Recherche :
© 2013 N. Billebault - A. Duchemin